Jessye Norman, au festival de jazz de Montreux (Suisse), en juillet 2010. DOMINIC FAVRE / AP
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Mort de Jessye Norman, « l’une des plus grandes sopranos des cinquante dernières années »

Connue mondialement pour sa voix de soprano, la chanteuse d’opéra est morte, lundi à New York, à l’âge de 74 ans, des suites d’une septicémie.

Les Français se souviendront notamment d’elle, drapée en tricolore, pour son interprétation de La Marseillaise lors du bicentenaire de la Révolution, le 14 juillet 1989 sur la place de la Concorde à Paris. Et le monde entier retiendra d’elle cette voix à la fois sombre et majestueuse.

La célèbre cantatrice américaine Jessye Norman est morte, lundi 30 septembre, à New York à 74 ans, a rapporté dans un communiqué une porte-parole de la famille.

« C’est avec tristesse et chagrin que nous annonçons la mort de la star internationale de l’opéra Jessye Norman », est-il écrit.

« Nous sommes fiers de ses réussites musicales et l’inspiration qu’elle a donnée aux publics du monde entier continuera à être une source de joie, est-il ajouté. Nous sommes également fiers des causes humanitaires qu’elle a défendues, comme la lutte contre la faim, l’aide aux sans-abri, le développement des jeunes et l’éducation artistique et culturelle. »



La cantatrice devenue une icône est morte d’une septicémie liée aux complications d’une blessure à la colonne vertébrale en 2015, selon le communiqué.

Les hommages ont commencé à affluer lundi soir.

« Le Met pleure Jessye Norman, l’une des plus grandes sopranos des cinquante dernières années », a déclaré le prestigieux Metropolitan Opera de New York où elle s’est produite plus de 80 fois, dans un répertoire allant de Wagner à Poulenc, en passant par Bartok, Schönberg et Strauss. « Elle était l’une des plus grandes artistes à chanter sur notre scène », a souligné le directeur du Met, Peter Gelb. « Son souvenir vivra à jamais. »

Née le 15 septembre 1945 à Augusta, dans un Etat de Géorgie alors soumis à la ségrégation, Jessye Norman, issue d’une famille de cinq enfants dans laquelle ses parents militaient au sein de l’organisation NAACP pour les droits des Afro-Américains, s’initie à la musique à l’église, en chantant les traditionnels spirituals. En grandissant, elle se met à écouter les opéras à la radio, notamment ceux du Metropolitan Opera, où elle allait elle-même devenir une star.

« Je ne me souviens pas d’un moment dans ma vie, où je n’ai pas été en train d’essayer de chanter », disait-elle en 2014 à la radio américaine NPR, après avoir remporté cinq Grammys, dont un récompensant l’ensemble de sa carrière en 2006.



Jeune femme noire dans un milieu de la musique classique essentiellement blanc, elle décroche une bourse pour étudier la musique à l’université Howard, un établissement fondé à Washington pour accueillir les étudiants noirs en pleine ségrégation.

Engagée à 23 ans à l’Opéra de Berlin
Engagée dès 1968 – elle n’a alors que 23 ans – à l’Opéra allemand de Berlin, elle débute en France cinq ans plus tard, dans l’Aïda de Verdi.

Des invitations suivent au Festival d’Aix-en-Provence (Hippolyte et Aricie de Rameau en 1983, Ariane à Naxos de Richard Strauss en 1985), à l’Opéra-Comique (1984) et au Châtelet (1983, et régulièrement depuis 2000).

Elle s’installe en Europe où, avec son timbre sombre et pulpeux, elle s’impose comme l’une des sopranos dramatiques les plus reconnues, en particulier pour ses interprétations de Wagner.

« La beauté et le pouvoir, la singularité de la voix de Jessye Norman : je ne me souviens pas d’autre chose de semblable », déclarait, en 2014 lors d’une soirée d’hommage à la cantatrice, Toni Morrison, prix Nobel de littérature (1993), qui elle-même est morte en août dernier. « Je dois dire que parfois, lorsque j’entends votre voix, cela me brise le cœur. Mais à chaque fois, lorsque j’entends votre voix, cela soigne mon âme », avait poursuivi l’écrivaine.

Femme de convictions
Jessye Norman était aussi une femme de convictions, socialement engagée, notamment pour les artistes des milieux défavorisés. Elle avait fondé dans sa ville natale d’Augusta la Jessye Norman School of the Arts, gratuite pour les plus démunis.

Si elle avait chanté aux cérémonies d’investiture des présidents américains Ronald Reagan et Bill Clinton, ou pour le 60e anniversaire de la reine Elizabeth II, en 1986, avant de recevoir la Médaille nationale des arts des mains du président Barack Obama en 2009, la cantatrice s’était retirée de la scène ces dernières années.



Ses dernières interviews remontent pour la plupart à 2014, année de la publication de ses mémoires, Stand Up Straight and Sing ! dans lesquelles elle racontait en détail les femmes qui l’avaient marquée, et le racisme auquel elle avait été confrontée, enfant puis adulte.

Sa vie amoureuse était un mystère. Lorsque le Telegraph l’interrogeait sur un passage de ses mémoires où elle évoquait une demande en mariage que lui aurait faite un jour un aristocrate français, elle avait qualifié l’épisode de « fascinant », sans rien révéler.

« Les Français m’ont toujours beaucoup soutenue, restons-en là », avait-elle dit en riant.

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