Plus jamais seul dans sa voiture, comment la grève dope le covoiturage




Multiplication par dix des inscriptions, doublement des trajets effectués… Le covoiturage domicile-travail bat des records pendant la grève. Le Point Auto avec AFP.

Est-ce la fin de l’« autosolisme » ? Cela pourrait bien être le cas pour Jean-Michel Douan qui trouvait depuis longtemps « dommage d’être tout seul dans sa voiture ». Plus maintenant, après avoir expérimenté le covoiturage pour la première fois jeudi avec la start-up Klaxit. « J’avais téléchargé l’application depuis très longtemps, mais jamais quelqu’un ne s’était manifesté. Avec la grève, d’un seul coup, cinq ou six personnes m’ont contacté pour monter dans ma voiture. » « J’ai trouvé ça génial parce que je donne un coup de main à des personnes qui ont d’énormes difficultés à se rendre au travail », témoigne pour l’AFP ce directeur commercial de 41 ans qui prend quotidiennement sa voiture entre Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et le 16e arrondissement de Paris.



Jeudi, il a transporté trois jeunes dames qu’il a de nouveau emmenées vendredi : « on s’est rendu compte qu’on travaillait tous dans la même rue ». Julien Honnart, fondateur et dirigeant de Klaxit, constate un engouement sans précédent. « Chaque jour, on bat un record de nouveaux inscrits », se réjouit-il. Lundi matin, il enregistrait 14 fois plus de réservations de trajets que le lundi précédent.

Bientôt la fin des bouchons ?
Face à la grève des transports publics, le gouvernement a incité lundi au covoiturage en autorisant les véhicules avec au moins trois personnes à bord à utiliser les voies réservées aux bus et taxis sur les grandes voies autoroutières menant à Paris. Cela n’a pas empêché plus de 600 kilomètres de bouchons en matinée sur les routes d’Île-de-France. M. Honnart reconnaît que le covoiturage est une solution « complémentaire » qui ne peut absorber tous les flux de passagers : « les transports franciliens transportent des millions de personnes par jour, le covoiturage c’est quelques dizaines de milliers ».



Mais, selon des chiffres publiés par le concurrent Karos, on compte aujourd’hui 1,1 personne par voiture en moyenne pour un trajet domicile-travail et « si ce chiffre passait à 1,7 personne, c’en serait terminé des bouchons sur la route ».

600 000 inscrits
Chez BlaBlaLines, l’application pour les trajets domicile-travail de BlaBlaCar, on constate dix fois plus d’inscriptions depuis la grève et des trajets au moins multipliés par quatre. « Cette semaine, on s’attend à des augmentations d’usage encore plus fortes parce qu’on voit que les gens avaient beaucoup anticipé jeudi et vendredi », par exemple en prenant des jours de congé, mais « ils vont devoir aller travailler et n’ont pas forcément de solution », explique Nicolas Brusson, directeur général de BlaBlaCar. De nombreuses initiatives fleurissent, comme KwikCity, une start-up qui vient de démarrer en proposant sur Paris du covoiturage « instantané », donc sans rendez-vous pris à l’avance. L’utilisateur choisit parmi des lieux répertoriés et l’application indique les automobilistes à proximité prêts à partager leur voiture pour s’y rendre. Sur le créneau de l’économie solidaire, Mobicoop, plateforme sous statut de coopérative, fonctionne sans commission et affirme ne pas revendre les données de ses utilisateurs. Facebook a recensé plus de 600 000 personnes inscrites en France sur des groupes de covoiturage, particulièrement actifs ces derniers jours.



« Pas assez de conducteurs »
Au-delà de la grève, le covoiturage décolle ces derniers mois, notamment auprès de personnes mal desservies par les transports en commun. Il est soutenu par les pouvoirs publics, qui y voient un moyen de réduire le trafic automobile et la pollution engendrée. La loi d’orientation des mobilités (LOM) prévoit la possibilité pour un employeur de prendre en charge les frais de covoiturage d’un salarié, jusqu’à 400 euros par an, sans charge ni fiscalité. Elle permettra aussi aux autorités organisatrices de mobilité de subventionner ces trajets. La région Île-de-France propose déjà la gratuité du service pendant les jours de grève, en rémunérant les conducteurs entre 2 et 4 euros par trajet, en partenariat avec cinq plateformes (BlaBlaLines, Covoit’ici, Karos, Klaxit et Ouihop). Faisant état d’une hausse de 75 % des trajets de covoiturage la semaine dernière, la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a appelé les automobilistes à emmener des passagers. « Il y a beaucoup de demande et pas assez de conducteurs », a-t-elle constaté.



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